Le département formation se trouve peu ou prou dans la situation où se trouvaient les directions informatiques au début de la vague micro-informatique dans les années 80. Pour construire une nouvelle relation avec des apprenants en train de conquérir leur autonomie, le responsable formation peut s'inspirer de la façon dont ces directions ont redessiné leur relation aux utilisateurs.
Soit un internaute (vous, moi). Observez quelles ressources en ligne sont consommées, à quel rythme, dans quelles conditions, à quel propos… Résultats : un nombre considérable (dont la croissance est exponentielle) d'articles, de commentaires, de vidéos, de jeux, d'informations, de connaissances, de conseils pratiques, de formations de tout format ; à domicile, au bureau, en déplacement. C'est la concurrence que tout département formation doit dorénavant affronter.
Observons plus attentivement : cet internaute n'est pas le consommateur passif du Web en simple consultation d'il y a 15 ans. Qu'il ait pris la parole, qu'il se soit exprimé dans des fils de discussion ou dans des posts sur LinkedIn ou ailleurs, ne suffit plus. Dorénavant il capture et partage gestes, paroles, situations grâce aux fonctionnalités et autres apps toujours plus puissantes et conviviales offertes sur son smartphone. Il enregistre et diffuse largement ses vidéos auprès d'une foule d'amis qui ne manquent pas de les commenter à leur tour, dans une spirale sans cesse s'élargissant. Ces usages donnent d'ores et déjà le ton aux échanges en entreprise.
La micro-informatique a transformé la relation entre utilisateurs et direction informatique
Cette tendance rappelle la révolution micro-informatique du début des années 80. L'informatique centrale est concurrencée par des micro-ordinateurs qui permettent aux utilisateurs de s'affranchir des coûts et délais jusque-là contraints par la direction informatique. Les applications lourdes (paye, supply chain, erp, etc.) restent du ressort de celle-ci, idem du choix et de la gestion de la plateforme micro-informatique ; les applications légères, qui visent à renforcer l'opérationnalité au quotidien, finissent entre les mains des métiers et des opérationnels. Mais il leur aura fallu longuement batailler avec la DSI pour qu'elle admette cette nouvelle répartition des rôles.
Ce schéma pourrait s'imposer au département formation, car son mode de fonctionnement, son système de production et de diffusion des savoirs, ont cessé de répondre aux exigences (accélération, consumérisation, nomadisation, optimisation…) des clients internes ou externes qui s'emparent des nouvelles possibilités du digital pour conquérir leur autonomie (à un rythme encore plus soutenu que celui auquel les utilisateurs s'étaient affranchis de la tutelle informatique).
Une nouvelle répartition des rôles entre apprenants et département formation
La question posée est donc celle de l'adaptabilité de la formation. On ne doute pas de l'adaptabilité des professionnels de formation, car c'est celle d'individus souvent animés par la passion d'apprendre, avant même de transmettre. Si celle des organisations (organisme de formation ou département formation en entreprise) est nettement plus délicate, la voie est toutefois informée par la façon dont la direction informatique a pu évoluer avec l'avénement des micro-ordinateurs.
Les programmes de formation les plus lourds lui resteront. En particulier les programmes à fort enjeu, touchant le plus grand nombre de collaborateurs ou de managers : parcours managériaux, formations de mise en conformité, fabrique d'une culture d'entreprise, transformation digitale, formations massives aux processus et outils métiers, etc. Lui restera aussi la stratégie de formation (Digital Learning inclus) : construction, mise à jour, pilotage… avec tout ce que cela implique d'harmonisation, de mutualisation, d'optimisation des contenus et plateformes existants. On pense encore à l'accompagnement permanent des experts-producteurs de savoirs sur le terrain, à la définition et à l'actualisation du cadre dans lequel ceux-ci interviendront.
Cette analogie entre formation et informatique est décidément féconde, notamment pour aider les responsables formation à y voir plus clair dans la façon dont ils pourront répondre à la nouvelle liberté des apprenants !
Michel Diaz
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