L'appétit des entreprises et des salariés pour le "Digital Learning" s'accroît fortement. Beaucoup de prestataires et d'Opca peinent à y répondre. Difficile d'innover… tout en restant essentiellement concentré sur les processus qualité auto-centrés induits par la Réforme de la formation professionnelle !
Comment se développe le marché du digital learning ?
Michel Diaz : En entreprise, la demande est clairement de plus en plus forte. Les salariés sont aussi des particuliers qui utilisent leurs smartphones pour un nombre de plus en plus important d’actes de leur vie. Et ils en voient l’efficacité et la rapidité, sans même parler du plaisir qu’il y a à utiliser des services souvent ludiques. Ils s’attendent donc et ils demandent des éléments de formation aussi efficaces et rapides, et si possible ludiques.
Par ailleurs, le business le demande également. La vie des affaires nécessite d’être de plus en plus réactif aux aléas et d’avoir les compétences en conséquence : le business demande donc lui aussi d’être bien alimenté en formations utiles, rapides, efficaces, pour soutenir ses attentes de performance opérationnelle au quotidien. C’est donc une demande saine, positivement soutenue par la réforme de la formation professionnelle qui a supprimé les contraintes administratives et fiscales du plan de formation.
Tout va bien alors ?
Michel Diaz : Non, car beaucoup de prestataires traditionnels et d’Opca semblent toujours en retard d’une guerre. Peu d’organismes de formation ont développé des approches en digital learning dignes de ce nom.… On se contente souvent d’un saupoudrage e-learning des formations traditionnelles. Et comme l’a montré la dernière étude, menée paritairement, par la branche de la formation professionnelle dont la FFP est le représentant employeur, plus de 50% des prestataires ne font aucun chiffre d’affaires comportant un élément de digital learning !
Même retard chez les financeurs Opca. Ils concentrent actuellement leurs efforts sur un processus qualité autour du Datadock et des listes de référencement. Comme si offreurs et demandeurs n’étaient pas capables de s’ajuster et de faire le tri, comme si leur consentement ne suffisait pas ! Cette démarche s’apparente un peu à un combat d’arrière-garde.
Mais les financeurs ne font que ce que l’Etat les autorise à faire ?
Michel Diaz : En effet, l’Etat reste très soupçonneux en ce qui concerne la formation et ne lâche pas les freins du contrôle. Que les formations sur fonds publics fassent l’objet d’un contrôle public très précis, normé, c’est normal. Mais les fonds de la formation privée des entreprises devraient répondre à une logique d’offre et de demande classique. Le budget formation devrait être un budget « libre » comme celui de la Recherche-développement. La confusion entre ces deux types de fonds laisse une situation bloquée et sous contrôle a priori. Alors même que la fin du plan de formation comme on le connaissait avant la réforme est une très bonne chose : il faut faire plus intelligent avec moins d’argent.
Au final, on n’a pas vraiment l’impression que tout cela soit bien réfléchi. Cela dit, à voir le rythme des innovations de l’offre, les responsables formation plus ambitieux et plus audacieux, les expériences de Mooc, de serious games, de formation en situation de travail… la synchronisation entre offre et demande est de plus en plus forte et évidente. L’accélération est en cours. On va inévitablement vers de nouveaux horizons.
Interview par Laurent Gérard, initialement paru dans Entreprise & Carrières
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