Il a fallu attendre 50 ans pour que le modèle de Kirkpatrick d’évaluation des résultats de la formation commence à être appliqué au-delà d’un cercle d’initiés. Une longue période qui a vu le modèle évoluer, mais à petit pas ; surtout : il est resté peu utilisé à cause de la lourdeur du recueil et de l'analyse des informations. La situation est en train de changer rapidement.
Les principales évolutions du Modèle de Kirkpatrick ont été apportées par un tiers (le ROI Institut) qui a ajouté le 5ème niveau du ROI (retour sur investissement) au 4 niveaux précédents. Ou directement par Kirkpatrick Partners : Jim et Wendy Kirkpatrick, les héritiers du créateur du modèle, préférant insister sur le ROE (“retour sur les attentes”), non sans raison. Mais le modèle est resté plutôt stable durant des décennies, et somme toute peu usité faute de disposer de la technologie pour recueillir et analyser la masse des données à traiter dans le processus d’évaluation tel qu'il est décrit par le modèle.
Le numérique permet de donner corps aux stratégies d'évaluation
Le e-learning a changé la donne. Se souvenir que son succès s’est en effet largement établi sur sa capacité à “tracer” les connaissances et les messages mémorisés par les apprenants dans leur suivi des modules e-learning. Cette évaluation (correspondant au niveau 2 du modèle de Kirkpatrick) était jusque-là rarement utilisée dans les cours en salle d'une durée de quelques jours au plus. A présent, le quiz s’est en pratique généralisé, les contenus d’auto-formation en ligne s’achevant fréquemment par une évaluation. Un constat qui vaut pour le e-learning traditionnel et pour les modalités plus récentes (MOOC par exemple), et a fortiori pour les serious games qui aident l’apprenant à simuler la mise en pratique de ses connaissances en situation de travail (tentative de simuler le 3ème niveau d'évaluation du modèle). Bref : l’intégration du numérique dans la formation donne enfin corps enfin à des stratégies d’évaluation jusque-là plutôt abstraites.
Les Analytics : vers l'évaluation temps réel et la formation prédictive
On assiste à une accélération de ces évolutions, avec les prémices d’une véritable rupture dans le champ de la formation. Big data, Analytics, formation prédictive… de quoi s’agit-il ? D’abord du fait qu’un nombre croissant de salariés, dans des entreprises de toute taille et de tout secteur, produisent un volume toujours plus considérable de “data” en multipliant l’usage des outils numériques, dont le smartphone d’usage devenu quasiment universel. Ces données de format hautement varié (texte libre, vidéo, audio) circulant dans les réseaux sociaux d’entreprise constituent à force une sorte de nuage numérique qui vient spécifier chaque individu. Ces données peuvent être analysées et corrélées pour produire des recommandations de formation en temps réel, au sein des nouvelles plateformes digitales de formation.
Ces préconisations n’évacuent pas les équipes formation-RH. Au contraire, car l’interprétation des corrélations proposées par ces outils d’analyse suppose leur expertise, en même temps que ces équipes sont seules aptes à prendre les décisions pertinentes en fonction de considérations qui n’auraient pu être prise en compte par l’agent digital.
Des conséquences majeures donc sur l’évaluation de la formation, pour le salarié-apprenant comme pour les managers et les équipes formation-RH. Elles touchent aux offres de formation et à leur articulation avec les situations de travail ; ces offres seront forcément personnalisées, et leur design en sera toujours plus près des attentes et des pratiques individuelles. C’est une sorte de nouvelle frontière de l’évaluation en temps réel : elle ouvre la possibilité de la formation prédictive.
Michel Diaz
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