Responsable du pôle innovation pédagogique à IFP School, Lucie Dhorne donne deux exemples qui permettent d'illustrer le support que la technologie peut apporter à la pédagogie… Deux exemples et une leçon : la pédagogie ne saurait justement être remplacée par les seules technologies… Le mariage réussi : la "technopédagogie".
Lorsque les technologies de rupture (disruptive technology) s’invitent à la table de la formation, le festin peut commencer ! Ces 15 dernières années nous avons vu un grand nombre de ces « recettes pédagogiques » se disputer notre appétit pour l’éducation du futur ! Passant du tout présentiel, au tout numérique, pour enfin se concentrer sur les formations dites mixtes, aucune de ces formules n’est vraiment parvenue à tenir toutes ses promesses : en tant que technopédagogues nous avons de plus en plus de mal à différencier les « bonnes » des « mauvaises » tables.
Associer objectif pédagogique et engagement permet de changer les comportements…
C'est faire un mauvais procès aux technologies, car la responsabilité appartient plutôt à la pédagogie qu'on met derrière celles-ci, ou plutôt dans nombre de cas, que l’on ne met pas. Rapide partage d'expérience technopédagogique pour illustrer mon propos… A la fin des années 80 (j'avais 10 ans), on m'a confié un œuf virtuel (un tamagotchi) dont je devais assurer la survie. Toute la journée il me fallait assouvir les besoins de l’objet : le nourrir, le laver, jouer avec, le faire grandir, etc. Cet outil, créé pour responsabiliser les enfants de manière ludique, était plébiscité par les parents comme par les enfants. Après quelques semaines d’utilisation mes habitudes ont changé (je me levais en pleine la nuit pour vérifier que mon tamagotchi allait bien, je passais mes récréations à jouer avec lui…), jusqu’au jour où mes parents m'ont dit avoir perdu le tamagotchi ! C'est la démonstration qu'une technologie utilisée au service d’un objectif pédagogique précis associé à un engagement (ici un engagement affectif) permet de changer ses comportements.
Retour présent pour une transposition à Pokémon Go… Mêmes schémas à l'oeuvre : un engagement affectif (les Pokémons) associé à des objectifs pédagogiques (faire « marcher » les gens, les amener à se rencontrer « In Real Life » le tout dans un univers ludique). Et la magie opère ! Mais une magie qui n’est pas plus liée à cette technologie de rupture qu'elle ne l’était avec le tamagotchi des années 90 ; ce qui opère ici, c'est le changement de comportement que l'application génère chez l’utilisateur (même si on sait qu'à l’ère du big data, rien n’étant gratuit, il existe d'autres fins connexes que les seuls objectifs pédagogiques).
De l'usage différencié de la technologie…
L’objectif pédagogique étant clé, abordons maintenant la question de la technologie. Comme responsable du pôle innovation pédagogique à IFP School je suis de près toute technologie de support aux apprentissages. Notre public de jeunes adultes et la taille raisonnable de notre école d’ingénieur nous ont permis de lancer deux MOOCs, de créer des serious games et d’utiliser les classes inversées dans nos enseignements (incluant l’usage de vidéos, de e-learning et la mise en place de TP en présentiel). Deux nouveaux projets sont en train de voir le jour, l’un sur la géologie et l’autre sur les moteurs. Pour chacun, nous avons tout d’abord, avec l’équipe enseignante, rédigé les objectifs pédagogiques de la séquence de formation, et répondu à de nombreuses contraintes : comment préparer un groupe de 50 élèves à une visite d’un site technique ? comment apporter des méta-informations lors des stages terrain ?
C'est là que la technologie devient irremplaçable, sous la forme possible de deux types d'outils edtech servant pourtant des intérêts différents : la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Tandis que la réalité virtuelle propose à ses utilisateurs des activités immersives dans un monde numérique (qui peut-être réel ou artificiel), la réalité augmentée quant à elle, rend possible la superposition d’un objet (2D ou 3D) à la perception visuelle que nous avons de la réalité (cf. Pokémon Go). Ces technologies ouvrent de vastes perspectives à la formation. Par exemple il nous est apparu logique d’utiliser la réalité virtuelle pour préparer nos apprenants à la visite du site qu’ils allaient faire quelques jours plus tard, cette visite virtuelle visant à familiariser les étudiants avec cet environnement complexe, à présenter les différents appareils du site, et à évaluer les connaissances avant la visite plus approfondie en réel. Tandis que la réalité augmentée nous a semblé plus appropriée à nourrir les apprenants d'informations connexes une fois sur le terrain (des informations s'affichant automatiquement sur leur tablette selon leur position GPS).
Pour conclure : ne nous hâtons pas de faire nos adieux au monde réel ! Car l’enseignement présentiel à encore de belles heures devant lui, si tant est que les pédagogues continuent de se préoccuper… de pédagogie !
(Article écrit par Lucie Dhorne, alors qu'elle était Responsable de pôle innovation pédagogique chez IFP School ; adaptation par e-learning Letter)
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