Le e-learning est d’abord affaire de contenus ; la production de contenus e-learning sur mesure constitue un goulet d’étranglement du Digital Learning ; la “curation de contenus” apparaît une solution prometteuse, mais les entreprises y sont-elles prêtes ?
Les contenus e-learning ont toujours posé problème aux entreprises. Il suffit, pour s’en convaincre, de remonter à l’origine du e-learning dans les entreprises, qui prenait souvent la forme d’une plateforme LMS… sous-utilisée faute de contenus. Les catalogues sur étagère ont su combler ce manque, pour permettre aux responsables formation de faire la preuve du e-learning dans le champ des softskills. Mais l’essentiel des besoins portant sur les formations métiers, à l’instar des formations intra, le e-learning a dû rapidement se décliner sur mesure.
La production d’un contenu e-learning sur mesure n’est pas une mince affaire. C’est un projet qui doit être livré dans un délai et un budget donné, alors que l’expression des besoins est souvent de qualité insuffisante (trop complète / figée ou pas assez), et dont le livrable est un hybride d’informatique, de pédagogie et de communication, que les acteurs font évoluer au fur et à mesure qu’ils découvrent le produit semi-fini. Si encore le rythme de l’innovation pouvait se calmer… Mais non : les attentes des salariés et des métiers sont dictées par les tendances changeantes du Web et du mobile : à peine croit-on avoir la recette magique (le bon design qui satisfera tout le monde et le processus de production qui va avec), qu’il faut se remettre à l’ouvrage… (On comprend que les MOOC aient déclenché quelques soupirs de lassitude).
Le goulet d’étranglement est bien réel : victime des promesses du e-learning (sinon de celles du marketing de l’offre), le département formation peine à produire à la vitesse attendues des salariés et des métiers. Le constat vaut pour la production sous-traitée, dont le coût est souvent prohibitif (au moins quand il s’agit de créer un patrimoine e-learning important) comme pour la production interne. La plupart du temps, l’entreprise s’exerce à un système de production mixte, sous-traitant certains modules et produisant les volumes les plus importants en interne (dans une déclinaison de type rapid learning). La plupart des responsables formation interrogés conviennent qu’ils ne sont pas vraiment satisfaits de ce qui leur apparaît comme un “système D” manquant d’agilité, coûteux, consommateur en charge de travail et en compétences, pour un résultat loin d’enthousiasmer les clients internes ou externes de la formation.
La curation de contenus apparaît, sinon comme une alternative, au moins comme une piste complémentaire aux dispositifs de production existants. Pourquoi en effet créer ce qui existe déjà sur le Web ou dans les smartphones des collaborateurs ?
La curation externe des ressources génériques ne fait plus question : on peut aujourd’hui trouver un grand nombre de programmes de formation (catalogues sur étagère délivrés par les organismes de formation ou ressources de type e-reading ou vidéo ou MOOC accessibles depuis Google ou YouTube (pour ne citer que ces moteurs)).
La curation interne constitue en revanche un déplacement-clé de la vision et des missions du département formation. Les contenus ne sont plus produits de façon centralisée, officiellement, par l’équipe traditionnellement en charge, mais de façon décentralisée, par les salariés et les experts, sur le terrain, à l’aide des outils de capture (vidéo, photos, son) dont chacun dispose sur son smartphone. Ce devrait être la première interrogation du chef de projet formation avant de lancer la création d’un module e-learning : est-ce que je peux déléguer cette production au terrain ? dans quelles conditions ? quelle valeur pédagogique est-ce que je peux apporter dans ce nouveau jeu de rôle ?
Compte tenu des enjeux (financiers, business, humains), on se demande pourquoi les entreprises tardent à expérimenter ce type de dispositif. Une frilosité qui pourrait bien se retourner contre la formation, si elle ne prenait l’initiative d’accompagner et de développer ce mouvement.
Michel Diaz
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