Défaut de stratégie d’évaluation ? Une enquête de Féfaur (Pratique de l’évaluation de la formation dans les entreprises françaises, février 2015) le montre sans ambiguïté : 8,7% seulement des entreprises interrogées affirment s'être dotées d’une véritable stratégie d’évaluation de la formation ! Mais il est vrai que la prise de conscience avance à bon pas : 47,8% disent y penser ; 31,8% répondent qu’elles sont en train d’élaborer leur stratégie.
Au reste, il faut parler de stratégies, plurielles, d’évaluation, malgré l’existence et la possibilité d’utiliser des approches et des modèles génériques qui ont fait leurs preuves, celui de Kirkpatrick notamment. Car toute stratégie d’évaluation doit prendre en compte les attentes comme les résistances, toujours spécifiques, des salariés, des managers, voire des formateurs et des responsables formation (parfois inquiets d'une possible remise en cause si les résultats ne sont pas à la hauteur). Prise en compte aussi de la culture d’entreprise, certaines se prêtant bien à l’évaluation, au point qu’on puisse parler de culture d’évaluation (quand la pratique de l'évaluation est entrée dans les moeurs) ; alors que d’autres entreprises peuvent faire d’une grande timidité en la matière.
À défaut d’une stratégie, l’entreprise commence souvent par investir dans un outil. Elle n’a que l’embarras du choix : plateformes LMS, AMS (Assessment Management System), outils auteurs se disputent un marché des technologies numérique de l’évaluation qui semble appelé à un grand avenir. Un premier pas, dans l’espoir que l’organe créerait la fonction ? Un espoir qui sera forcément déçu si on ne s'est pas entendu au préalable sur ce qu’on veut évaluer… C'est en effet une décision essentielle de toute stratégie d’évaluation : évaluer la satisfaction des apprenants, les connaissances à chaud, à froid, l’impact sur le business ? Où mettre le curseur, pour les projets de formation dont le département formation est en charge ? Tous méritant d’être évalué au moins au niveau 1 (réaction) et 2 (apprentissage).
Conduite du changement, outils d’évaluation, modèles utilisés, choix de ce qui est à évaluer… Toutes ces questions, et d'autres, doivent être traitées dans un cadre stratégique qui intégrera aussi l’organisation du département formation qui doit mener à bien ces nouvelles missions. Car l’évaluation n'est pas une affaire trop sérieuse pour être laissée aux formateurs ! Au contraire, dès lors qu’ils sont disposés à développer les compétences nécessaires : ingénierie d’évaluation (règles de rédaction d’une question et de ses réponses, de production et de diffusion d’un questionnaire, analyse, interprétation et communciation des résultats, etc.), maîtrise des outils utilisés pour mener à bien ces évaluations, capacité à assurer un continuum d’évaluation depuis la satisfaction des salariés jusqu’à la mesure de l’impact de la formation sur la performance individuelle et collective - un frein pour 46% des responsables formation interrogés par Féfaur.
Que l’évaluation de la formation doivent faire l’objet d’une approche stratégique, on commence donc à s’en convaincre. Elle n’échappe pas en cela au mouvement général de la formation en entreprise : remise à plat d’un existant à présent sous pression de nouveaux usages et attentes des clients internes / externes , estimation de la valeur créée par la formation, amélioration continue du lien entre la formation et les autres activités de l’entreprise… L’évaluation est un jalon essentiel de cette remise à plat.
Michel Diaz
|