Sal Khan, fondateur de la célèbre Académie qui a contribué à lancer le phénomène MOOC à l'échelle mondiale, lance une nouvelle école, dans le "monde physique", cette fois. La nouvelle "Khan Lab School" : tout ce qu’il y a de plus traditionnelle, le signal d'un rééquilibrage entre formation à distance et résidentielle ? La Khan Academy s’est fait connaître par ses cours en ligne dans de multiples matières enseignées dans les écoles et universités américaines ; pour Sal Khan, il ne s’agissait au démarrage que d’apporter du soutien en mathématiques à distance à sa nièce. On sait comment cette aventure s’est prolongée : par une des premières plateformes de formation en ligne, mettant le savoir à portée de millions d’abonnés, inspiratrice du phénomène des MOOC. Aujourd’hui, la plateforme se dote d’un nouveau service dans le "monde physique", à l’instar de ces grands sites de e-commerce qui finissent par ouvrir des magasins en centre-ville ! C’est l’argument des promoteurs de cette école, qui citent l’exemple d’Amazon, et pourraient tout aussi bien citer Google - Youtube d’ores et déjà présents dans plusieurs grandes capitales, à travers des "stores" où sont reçus particuliers et les professionnels…
A ceux qui s’étonnent de cette stratégie, S.Khan répond qu’il n’a jamais vu la formation à distance comme un concurrent du cours en salle, mais au contraire comme un moyen de libérer la connaissance, de donner envie d’apprendre. Ce désir une fois bien ancré, le présentiel constitue une modalité de se former, parmi d’autres mais tout aussi nécessaire que les vidéos en ligne (sur lesquelles la Khan Academy a fait sa réputation).
Volonté aussi d’ancrer le nouveau projet dans une tradition pédagogique qui se réclame des écoles Montessori (un «Montessori 2.0» pour reprendre les termes de l’entretien récemment donné par Sal Khan à Patrick May (Siliconbeat))… Les Anciens et les Modernes enterrent la hache de guerre pour servir les attentes toujours plus difficiles à satisfaire d'un apprenant gâté. La Kan Lab Shool devrait séduire les familles fortunées de la Silicon Valley (où elle est située), capables de payer annuellement 25.000 US Dollars pour un "lycéen" qui bénéficiera d’un enseignement et d’un accompagnement individualisé, dans des classes mixant les âges et les expériences…
Affaire de gros sous ? En partie au moins : les MOOC continue de chercher leur modèle économique, même si des pistes prometteuses ont été ouvertes depuis deux ans. Pour Sal Khan, aucune raison de se priver des revenus traditionnels de la formation. Il est probable que certains des promoteurs de l’approche MOOC en entreprise viendront aussi sur ce terrain du stage "revisité", dans une concurrence frontale avec les organismes de formation installés de longue date. Une nouvelle concurrence, il faut le souligner, qui sera sans nul doute nettement plus virulente que celle des "pure players" du e-learning apparus il y a une quinzaine d’année. C'est que la structure pédagogique d’un MOOC s’apparente beaucoup plus à celle d’un cours en salle qu’à un parcours e-learning (la "présence" forte notamment de l’enseignant-formateur-coach).
Il y a d’autres raisons de fond pour investir dans les différentes formes du présentiel… E-learning, Digital Learning, MOOC, etc. : ces approches ont permis en creux d'apprécier ce que le présentiel peut avoir d'indispensable, non pas dans une sorte d'absolu pédagogique, mais dans des situations et contextes spécifiques. Un présentiel en quelque sorte revisité, approfondi par toute l'expérience Blended Learning de ces dernières années. C'est peut-être l'histoire que Sal Kahn vient raconter avec sa nouvelle école.
Michel Diaz
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