Placé sous l'égide de Rémi Bachelet, le MOOC Gestion de projet de l'École Centrale de Lille a fait beaucoup parler de lui. A juste titre, sa réussite (pédagogique, technique, d'audience et de satisfaction) a prouvé la pertinence des MOOCs dont il constitue à présent une sorte de modèle pour le marché français - éducation et formation professionnelle. Quels étaient les enjeux initiaux du MOOC Gestion de projet ?
Rémi Bachelet : Lorsque l’idée du MOOC est née, en août 2012, le site gestion de projet et même une FOAD existaient depuis longtemps (un historique est disponible en vidéo sous YouTube). L’enjeu qui m’a tout de suite séduit était le "changement d'échelle" en rassemblant une communauté d’apprentissage suffisamment active pour transformer le modèle de formation classique “top-down” afin de créer un nouvel objet pédagogique : gratuit et accessible à tous, mais aussi avec une valeur ajoutée forte grâce à l’interaction et l’investissement des apprenants.
Le point-clé étant de réaliser que le “massif” est ce qui permet de changer de paradigme. On connaissait déjà la formation en ligne, les ressources éducatives libres... et l'opportunité de développer "autre chose" avec les outils existants était là grâce au très grand nombre de participants.
En quoi consiste ce MOOC à l’origine ?
Rémi Bachelet : Vu des apprenants c’est une séquence de formation qui propose trois niveaux; Parcours classique : quelques heures par semaine. Parcours avancé : un livrable à rendre tous les 7 jours, puis une évaluation par les pairs et une auto-évaluation de ce livrable. Parcours par équipe : une formation-action avec un projet à choisir et à démarrer dans le GdP-Lab. Nous mettons en action tout un éventail de moyens : cours vidéo denses et sous-titrés, fils de discussion thématiques, prises de notes partagées, quiz formatifs et évaluatifs, badges de compétence en fin de semaine, questions-réponses en direct hebdomadaires… et la formation se prolonge aussi par des discussions sur nos groupes Facebook (10.500 membres) et Google+ (3.500). La partie individuelle dure 6 semaines, mais l’offre est maintenant très riche : une palette de 10 modules est proposée, au choix, pour se spécialiser aux divers aspects de la Gestion de Projet. Par ailleurs, l’offre s’est ouverte depuis peu aux organisations qui veulent un suivi plus personnalisé de leurs salariés, avec la formule “SPOC Gestion de Projet” désormais disponible.
Le MOOC vu des concepteurs c’est un dispositif très élaboré : ce sont des équipes qui animent chaque parcours et leur expertise est maintenant forte. Il y a à la fois une start-up (Unow), des bénévoles (l’Association “les amis du MOOC GdP” qui propose des bourses d’examen grâce à un crowdfunding), des universitaires et chercheurs (une demi-douzaine de papiers de recherche)…
Débouche-t-il sur une certification ?
Rémi Bachelet : Oui et c’est très important d’avoir une reconnaissance du travail. Nous proposons à la fois une attestation de réussite gratuite et le passage d’un examen surveillé (de chez soi ou en présentiel dans les pays où l'accès à Internet est difficile) qui décerne des Crédits Universitaires de l’École Centrale de Lille. Pour la répartition entre ces différentes certifications, voir nos dernières statistiques.
Quels ont été les enseignements des premières sessions ?
Rémi Bachelet : Les enseignements tirés de la première session étaient d’abord que … c’est possible ! À l’époque il n’existait pas de portail en France, les MOOCs étaient un simple buzzword et tout était à faire… Le défi était de démontrer qu’un MOOC peut réellement donner accès à une formation de qualité et reconnue. De plus, nous avons démontré deux choses : dans le parcours avancé l’applicabilité de l’évaluation par les pairs qui permet la comparaison immédiate avec le travail des autres apprenants et dans le parcours par équipe la richesse du travail dans les projets par équipe qui ouvre les participants à la démarche collaborative (alors même que les membres d’une équipe travaillaient à 100% à distance !).
Par la suite, session après session, nous n’avons cessé de progresser et d’améliorer la qualité; Force est de constater que nous sommes toujours en train de progresser à grande vitesse, par exemple en ce moment nous sommes en train de rendre disponible en ligne les certificats de réussite et de permettre leur intégration sur un profil LinkedIn, de tourner de nouveaux modules de spécialisation, de développer un site communautaire pour le GdP-Lab…
L’approche MOOC est passionnante : par certains aspects on peut dire qu’il n’y a “rien de nouveau sous le soleil du e-learning”, mais par d’autres, on découvre comment des choses que l’on avait imaginées (des communautés actives, des équipes réparties dans le monde entier) deviennent possibles ou se réalisent à une échelle qui permet d’avoir un impact fort. Il y aurait beaucoup d’autres choses à discuter sur les évolutions des MOOCs : autour du modèle économique, des nombreuses variantes qui coexistent (et qui ne sont parfois… pas des MOOCs), de l’intérêt de l’hybridation (des présentiels voire le suivi simultané de la formation par des salariés qui travaillent ensemble au quotidien) de la géolocalisation (nous proposons en début de session à nos apprenants de se situer sur une carte, de manière à encourager la formation d’équipes dans le GdP-Lab).
Est-ce une approche facilement acclimatable dans la formation continue en entreprise ?
Rémi Bachelet : Oui tout à fait ! Suite au succès du MOOC, Unow m’a proposé de le décliner en SPOC sur leur plateforme Captain SPOC. Nous avons lancé la première session en novembre dernier et suite à son succès nous avons dû ouvrir une deuxième session dans la foulée en janvier. Avec plus de 100 participants et un taux de complétion de 100%, 4 personnes sur 5 se déclarent très satisfaites de la formation. Nous envisageons de nouveaux SPOC sur l’année 2016 pour répondre aux demandes de nos interlocuteurs responsables formation.
Lien vers le MOOC Gestion de Projet
Propos recueillis par Michel Diaz
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