Ce pourrait être aussi "Le Digital Learning est mort ? Vive le Digital Learning !" tant formation et Digital Learning sont aujourd'hui imbriqués. Une petite fiction située en 2025 pour dresser un avenir possible, à défaut d'être certain… Par Luca Bisognin, Consultant Digital Learning à Symetrix. Tous les professionnels de la formation s’accordent aujourd'hui sur la réalité d’un changement radical dans leur secteur. Qu’on l’appelle Digital Learning ou Social Learning, cette rupture initiée par les MOOCs et prolongée aujourd’hui par ce qu'on appelle déjà "ubérisation de la formation" engendre de profondes transformations dans les pratiques pédagogiques (par ex. paradigme de la classe inversée) ou dans la législation de la formation comme on peut le constater avec la Réforme de la formation professionnelle. La rupture n’est pas seulement technologique, elle est écologique : elle s’inscrit dans l’ensemble des rapports de force entre les acteurs de la formation (apprenants, formateurs, enseignants, tuteurs, ingénieurs pédagogiques, IEN, responsables RH ou Formation, etc.) et la dynamique sociale, technologique et culturelle dans laquelle se jouent leurs actions.
Au plan technologique, la socialisation des apprentissages, la ludification des dispositifs de formation, le déploiement de l’Internet des objets, la montée en puissance du protocole xAPI, l’hybridation dense des modalités de formation qui ouvre la voie à l’apprentissage augmenté, constituent des évolutions tangibles qui vont bouleverser notre rapport au savoir et à l’apprentissage. Cette rupture doit cependant composer avec ses freins intrinsèques - fracture numérique, sécurité des informations, accessibilité des outils, coûts d’investissement, respect de la vie privée – qui sont autant d'objections légitimes méritant d'être davantage débattues pour donner corps à ce modèle disruptif de la formation.
A quoi pourrait ressembler un tel modèle disruptif ? Petite fiction : imaginons un monde où l’on ne parlerait plus de Digital Learning parce que la transformation aurait déjà opéré et que nous aurions réglé les objections évoquées plus haut. Quelques questions d'autrefois seraient devenues obsolètes : "Pourquoi et comment apprendre avec le Digital?" ; "Qu’apporte le Digital à l’apprentissage collaboratif ?" ; "Avec le Digital, ai-je vraiment le contrôle de mon apprentissage ?"… Car (nous sommes en 2025…) après avoir commencé à connecter leur propre corps et autres objets dans les années 2010, les humains ont poursuivi en "connectant" leur propre appareil cognitif ; résultat : une rupture majeure dans l’acquisition des connaissances par une réduction à néant de l’effort cognitif nécessaire à la construction des savoirs (au passage : un scénario conforme à la critique soulevée par Norbert Wiener en 1962 dans Cybernétique et Société). Dans cette perspective, la question des savoirs réglée par l’automation de son acquisition, se former par le digital et non avec serait devenu aussi naturel que d'avoir, disons, l’électricité. Si bien que toute l'économie, jusque-là fondée sur une monétique traditionnelle d'échange de biens et de services, alors évidemment en crise, aurait basculé dans une crypto-monétique d'échange et de partage de savoirs-faire (à l’instar du bitcoin), que les écoles se seraient réinventées sur le modèle de FabLabs ludiques et les universités transformées en pépinières d’entreprises inscrites dans un modèle de développement Schumpeterien et animées par des "apprenants-innovants". Quant aux grandes entreprises, elles se seraient progressivement muées en réseaux de transaction "métier" décentralisés (cf blockchains).
A travers cette fiction, on voit apparaître le débat et l’enjeu à venir : la formation opère aujourd’hui un changement radical qu’il convient à chacun de ses acteurs d’interpeller et adresser dans leur propre dynamique professionnelle. Car l’enjeu est majeur : il en va du modèle de société à construire dans un nouveau paradigme d’économie de la connaissance. La formation est morte ? Vive la formation !
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