A l'origine (il y a 20 ans), il semble que le e-learning voulait secrètement la peau (et le marché) de la formation traditionnelle, pour qui savait lire entre les lignes d'études de firmes de conseil (Arthur Andersen, mais qui s'en souvient). Le e-learning s'est vite essouflé : d'une qualité à tout point de vue médiocre, trop loin des services aux apprenants qui avaient la chance de participer à un cours en salle - une minorité il est vrai (moins de 50% par an) et pour une fréquence faible (une formation dans l'année, guère plus).
Le e-learning s'est refait une santé. Parce qu'il permet d'atteindre des publics laissés pour compte par la formation traditionnelle, et de les toucher plus souvent : se former dix, vingt, cent fois par an… aussi souvent que nécessaire pour être à l'aise et se développer dans son travail. Du coup, c'est la formation traditionnelle qui a commencé de s'essoufler après le e-learning ; à cette époque, les organismes de formation se diversifient dans le e-learning (qui reste suspect pour la plupart d'entre eux) pour répondre aux attentes des entreprises et des apprenants, et parce qu'il est indéniable que e-learning contribue en partie au développement des savoirs.
On reste largement encore dans la configuration où la formation court après le digital et ses innovations. A peine celle-ci a-t-elle digéré ce que le marché présente comme une innovation d'acquisition indispensable, qu'une nouvelle approche vient bouleverser son champ de pratiques. Si la formation se réduisait à la diffusion de modalités digitales, au fil de l'eau, sans cohérence d'ensemble, pour servir des besoins de l'instant, elle pourrait se payer le luxe de suivre le rythme. Au contraire, elle n'a pas vocation à gaver les apprenants de gadgets numériques mais à construire un sens (une direction) d'ensemble au-delà des consommations digitales instantanées.
Pourtant formation et e-learning ont tout intérêt à se synchroniser. Le digital learning serait bien avisé de ralentir un peu, ne serait- ce que pour s'assurer de la qualité et de la valeur de ses propositions (on reste effaré devant certaines, infantilisantes, faisant fi de toute expertise pédagogique). De son côté, la formation doit continuer d'accélérer, grâce au moteur du digital learning. Les deux - formation et e-learning - doivent se parler ; c'est déjà le cas, le dialogue doit aller plus loin et s'approfondir.
Une modalité de ce dialogue, c'est le blended learning fondé sur la riche idée d'une complémentarité qui reste toutefois largement à trouver entre le cours en salle (et plus généralement toute modalité "live" nourrie d'expertise pédagogique). Où en est-on de cette complémentarité, et de son potentiel de solutions de formation efficientes, optimisées, satisfaisantes pour les apprenants, le business et l'entreprise ? Pas très loin finalement, ce qui n'étonne pas (par analogie, la combinaison entre point de vente et e-commerce, nettement plus simple à penser, n'a que peu progressé ; mais les Amazon Stores en test dans plusieurs centre-villes pourraient rapidement changer la donne).
Un chantier donc pour les responsables formation : approfondir la complémentarité des diverses modalités d'apprentissage. Pour cela, prendre du recul pour estimer leur apport à la formation, derrière l'effet de mode. Quelle valeur (d'un contenu, d'une technologie éducative, d'un nouveau format, d'une nouvelle fonctionnalité LMS, etc.) relativement à tel contexte, besoin, dans telles contraintes (culture d'entreprise, métier, équipe, collaborateurs) ?
Innover pour innover (ou pour imiter le voisin, qui a imité le sien) est à courte vue. Au reste, on l'aura compris, l'innovation en formation n'est pas du seul ressort de la toute dernière proposition digitale. Partir des ressources existantes, développer la maîtrise de leurs combinaisons possibles, s'assurer de la valeur prêtée par les clients à ces dispositifs de formation, ne jamais perdre de vue l'impératif de cohérence et de sens… Un service que formation et e-learning se rendraient mutuellement !
Pour en savoir plus sur le prochain Séminaire Féfaur sur la Stratégie Digital Learning
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