Dirigeant de Babylon.fr, un pionnier de la formation mixte, Jean-Michel Pauline propose une mise en perspective du blended learning, une approche pas si nouvelle qu'on le croit, et appelée à un brillant avenir… sous quelques réserves
Babylon.fr est connu pour son catalogue de modules e-learning… Quel volume de formation ?
Jean-Michel Pauline : Environ 250 modules qui représentent 320 à 350 heures de formation. L'un des plus fournis, donc, dans nos domaines de formation. Et un catalogue qui évolue en permanence puisque nous venons de publier une série de modules sur les collectivités locales, ou que nous lançons avec des partenaires bruxellois une collection intitulée "Knowing Europe" qui, elle, sera plus à destination du grand public avec une vocation de sensibilisation et de démystification de l'Union européenne.
En complément de ces modules "métiers" ou connaissances transversales, vous annoncez la sortie d'un blended learning sur le management…
Jean-Michel Pauline : Oui, pour Babylon.fr, le blended learning est une construction bien adaptée à des formations comportementales ! En fait, et j'en suis à la fois un fervent supporter et un acteur depuis le début des années 2000, il faut rappeler que le blended learning existe depuis que le e-learning existe. C'est le blended learning qui a évolué et qui continue d'évoluer, notamment avec l'aide des nouvelles solutions techniques qui ne cessent d'émerger.
Deux exemples pour résumer. D'abord celui d'un parcours datant du début des années 2000, en fait le premier de nos parcours en blended learning, développé dans un partenariat Babylon.fr - ASK Partners. Ce parcours utilisé en 2001-2002 visait à vérifier les connaissances technico-commerciales d'une population de 800 personnes, toutes présentes dans leur poste depuis plusieurs années. C'était une construction maintenant bien identifiée : test de pré-requis en amont du parcours, 8 modules e-learning à suivre en fonction des résultats au test, deux journées de présentiel autour d'applications technico-commerciales propres au métier du client, des exercices en e-training pendant trois mois.
Effectivement, ça nous rappelle quelque chose !
Jean-Michel Pauline : Les ingrédients sont ceux dont on disposait à l'époque. Comme nous l'avons évoqué, c'est la palette des outils disponibles maintenant, pour nous, formateurs, qui va faire la différence, enrichir le blended learning, lui donner sa plus grande amplitude.
Ce qu'on peut voir dans notre deuxième exemple… Celui de "MAGELAN concept". En partenariat avec ASK Partners, nous avons construit ce produit sur une architecture blended learning "nouvelle manière" : on retrouve les modules e-learning, mais aussi du coaching individualisé, des travaux individuels à effectuer par l'apprenant, la restitution de ces travaux au coach, des mises en situation interactives… qui ont les avantages du serious gaming sans en avoir les inconvénients, notamment le prix élevé et la lourdeur. En présence d'un apprenant isolé, nous serons peut-être contraints d'en rester là. Mais si le client est une entité qui inscrit plusieurs personnes à ce parcours, nous pourrons aller plus loin avec l'utilisation des réseaux sociaux pour fédérer des groupes d'apprenants autour d'une problématique de cas à résoudre.
Parmi les nouveaux outils à notre disposition dans une construction blended learning, nous utilisons de plus en plus les classes virtuelles, qui ouvrent la possibilité d'un apprentissage collaboratif, les apprenants travaillant en binômes autonomes du reste de la classe.
Vous pensez que les réseaux sociaux sont utilisables en formation?
Jean-Michel Pauline : Oui, et pourtant au début j'étais sceptique, mais comme dit le proverbe... Mais avant de parler des réseaux sociaux, rappelons que la plupart des connaissances professionnelles sont acquises sur le terrain, au poste de travail, par la transmission orale et l'observation des "anciens" des "confirmés", etc. La question est donc celle de l'intégration des "sachants" dans le processus de blended learning, rarement prévue en fait, sinon à travers la mobilisation de leur expertise au moment de concevoir les modules e-learning. Il faut bien sûr aller plus loin, il faut intégrer ces sachants dans le parcours blended learning, autour d'une première dorsale - test d'entrée, modules e-learning, classe virtuelle (l'apprentissage des savoirs de base sera acquis), journées présentielles (l'apprentissage des savoirs faire"de base" sera assuré).
Intégrons ensuite les apports pédagogiques des réseaux sociaux et des plateformes collaboratives, qui permettent d'enrichir les parcours notamment à travers des résolutions de problème, des mises en situation par les divers membres du groupe d'apprenants, complétés par des échanges en classe virtuelle, ou bien au sein d'un forum ou d'un blog dédié le cas échéant à la formation en cours... La parole est à l'imagination, mais toujours avec le souci d'être pragmatique et de faire utile.
Assurons enfin le retour de la formation de contact par les "anciens" que l'on va mobiliser et valoriser dans un rôle de tuteurs : fourniture de mises en situation à l'apprenant, et dans le même temps des éléments de solution à son tuteur (avec un gros travail de structuration de ces éléments pour permettre au tuteur de jouer son vrai rôle de transmetteur des savoirs et des savoir-faire).
Enfin, et surtout dans une optique de validation dans l'emploi, le serious game peut tout de même rendre des services appréciables, notamment pour tester les savoirs en quasi situation de travail.
Donc le blended learning, solution d'avenir?
Jean-Michel Pauline : Oui, assurément, mais sans l'emballement qui caractérise toute nouveauté. Ce n'est pas la solution miracle qui rend toutes les autres obsolètes, mais c'est une solution qui, bien analysée, bien construite, bien maîtrisée, bien gérée va permettre de reprendre tous les ingrédients qui sont depuis toujours le cœur du métier de formateur, en y apportant une personnalisation de la formation, la souplesse et la réactivité que permettent les réseaux sociaux, et d'importantes économies d'échelle.
Le blended learning va de plus permettre d'augmenter la valeur ajoutée de chacun des éléments de la chaîne de formation, de la DRH au prestataire externe, des formateurs internes aux "sachants" de l'environnement immédiat de l'apprenant.
Propos recueillis par Michel Diaz
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