La Fédération de la formation professionnelle (FFP) a tenu le 18 février 2013 un colloque ayant pour thème la valorisation des investissements en formation professionnelle des entreprises. Les professionnels de la formation étaient réunis à Bercy, tout un symbole…
L’intitulé du colloque de la FFP annonçait la couleur : « La formation professionnelle, un investissement majeur pour la compétitivité durable des entreprises et des territoires ». Investissement et formation, l’association des deux termes était explicite. Elle devait être confirmée en fin d’après-midi par la présentation des résultats d’un groupe de travail, constitué à la demande du Ministère de l’économie et des finances, dont la mission était d’élaborer une grille d’indicateurs clés permettant de rendre compte des impacts économiques et sociétaux des investissements en formation professionnelle.
Devant un large parterre de professionnels de la formation, c’est d’abord le Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, qui prononça l’allocution d’ouverture… Affirmation bienvenue : la formation professionnelle est devenue un facteur déterminant du redressement productif du pays, dans la mesure où elle permet d’organiser et de faciliter la transition vers de nouveaux métiers… et de valoriser le « made in France » : « un pays qui investit sur la formation est un pays qui monte en gamme ». Dont acte.
Thierry Repentin, Ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage, a renvoyé la balle dans le camp des professionnels présents, en se faisant l’écho des nombreux acteurs qui attendent que la formation démontre concrètement en quoi elle est créatrice de valeur… : retour sur investissement et qualité pédagogique, a-t-il été rappelé. Une préoccupation qui sera sans doute reflétée dans le projet de loi présenté en conseil des ministres au début de l’été. Espérons qu’il s’agira, enfin, tout autant de former mieux que de former plus…
La table ronde qui a suivi s’est concentrée sur les enjeux économiques et sociaux de la formation professionnelle. Des représentants de la FFP, du CNFPTLV, du MEDEF ou du GARF, parmi d’autres, ont relevé le grand écart qui existe entre le discours ambiant sur l’investissement-formation et la réalité des pratiques d’évaluation des formations des entreprises. De fait quel drôle d’investissement que celui dont on ne mesure pas la rentabilité ! Autre constat : celui de l’inadaptation du cadre légal, et plus particulièrement de la «24-83» qui peine à accueillir les nouvelles modalités de formation, notamment ces apprentissages informels dont les entreprises se préoccupent de plus en plus… Un gros travail reste donc à faire pour convaincre les Dirigeants d’entreprise que la formation n’est pas seulement une dépense !
Parole donnée à l’OCDE dont un analyste a comparé les dépenses de formation en France et dans les autres pays de la communauté européenne… L’Hexagone peut mieux faire ! On s’en doutait un peu… De plus les modes de calculs ne sont pas exempts de biais : par exemple, des formations dont la durée est inférieure à 6 mois ne peuvent pas être qualifiées comme telles selon l’organisation internationale… Bizarre, alors qu’on encourage toujours plus la formation « juste-à-temps » fondée sur des modules toujours plus courts et proches des situations professionnelles… Du coup, la France dégringolerait de quelques places supplémentaires dans ce classement !
Le panorama des pratiques de reporting formation des entreprises du SBF 120 a permis d’enfoncer le clou : les indicateurs formation sont rarement disponibles, a fortiori peu communiqués malgré l’obligation faite aux entreprises de produire annuellement un bilan social qui agrège ce type d’indicateurs… Mais comme, semble-t-il, il suffit de publier sur son site internet qu’on forme son personnel pour être cru sur parole par les analystes financiers pourquoi se compliquer la vie ?… Les spécialistes du référencement ne devraient pas manquer de travail dans les prochains mois ! Du coup près de 90% des entreprises annoncent avoir une politique de formation… quand elles sont seulement 10,6 % à définir des « objectifs précis quant à la formation et le développement des carrières »… Cherchez l’erreur.
L’après-midi s’est terminée sur une note plus optimiste. Les dix indicateurs construits par le groupe de travail, accompagnés du guide de reporting à destination des entreprises remis aux participants, témoignent de la volonté de remédier à cette situation. Cependant, que de chemin reste à faire… On ne peut masquer notre déception devant des indicateurs orientés sur les activités de formation plutôt que sur les résultats : taux d’accès à la formation, nombre moyens d’heures de formation, de stagiaires, d’alternants, de salariés ayant suivi une formation certifiante… Rien sur les résultats ni la pertinence des orientations de formation : peut-on vraiment considérer qu’une entreprise qui aura formé plus aura nécessairement bien formé ?
On aura ajouté du reporting au reporting, sans apporter la réponse à la seule question qui vaille : comment évaluer l’efficacité d’une politique de formation et en améliorer les résultats de façon continue ? Les entreprises répondront en ordre dispersé à ces questions qui leur importent particulièrement… Après tout, il y autant de politiques de formation que d’entreprises…
Jonathan Pottiez
Directeur produit et innovation chez Formaeva et docteur en sciences de gestion, Jonathan Pottiez définit les orientations de développement logiciel de l'entreprise et contribue à la diffusion des meilleures pratiques en management de la formation.
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