Formation e-learning gratuite, certification payante… L'émergence d'un nouveau business model dans les universités américaines, qui pourrait faire des émules en Europe…
La mise en ligne gratuite d'une partie de leurs cours, par Harvard, Berkeley et le MIT, constitue un événement majeur que les offreurs de formation initiale ou continue ne manqueront pas de surveiller de près…
D'abord la plateforme e-learning baptisée "edx" a été portée par trois prestigieuses universités américaines - Harvard, Berkeley et le MIT -, des championnes du classement mondial de Shanghai. Légitimité : maximum. Ensuite il semble qu'un tabou ait été levé : des contenus de formation propriétaire de haute volée mis en ligne gratuitement, sur une plateforme accessible à quiconque dispose d'un accès au Web.
Des cours sans doute triés avec soin, pour éviter de se tirer une balle dans le pied en se privant des revenus des cours les plus rémunérateurs ? Il n'empêche : on pourra par exemple suivre sans prérequis le cours d'introduction à l'informatique d'Harvard dès le 15 octobre, et pendant 6 mois (150 heures d'enseignement environ au total, séquencées en 9 modules) qui s'achèveront sur un projet final. Chronique d'un succès annoncé : 150.000 apprenants ayant suivi la session test du printemps 2012… Un succès qui relaie l'engagement de l'enseignement supérieur : 10% des étudiants américains décrochent dorénavant leurs diplômes en ligne… Une révolution étrangement ignorée ici, mais cela pourrait changer avec le lancement du site européen "distancelearningportal.eu", pour peu que les universités françaises sachent saisir leur chance.
Si les contenus sont offerts - on notera au passage que la question des droits d'auteur aura forcément trouvé réponse - il n'en va pas de même des certifications. L'innovation est essentielle : formation gratuite, certificat payant. Bien raisonné : ce qu'achète tout consommateur de formation supérieure, c'est d'abord un diplôme d'autant plus monnayable qu'il est hautement "brandé" (même s'il est précisé que les certifiés ne pourront se prévaloir d'un diplôme d'Harvard, de Berkeley ou du MIT…). Les contenus sont en cohérence : ils se présentent sous forme de vidéos, d'autoquiz en ligne, de FAQ…
Ce qui nous ramène à la formation continue : à défaut qu'ils offrent leurs cours - on n'en est heureusement pas là -, les organismes de formation seraient au moins bien avisés d'investir dans une politique de certification digne de ce nom. Les travaux au long cours de la profession sont utiles, bien sûr, mais ils ne doivent pas dispenser les offreurs de formation de s'engager sur la délivrance de certificats étayés par une véritable évaluation des savoirs acquis à l'issue de la formation, voire une évaluation la mise en application de ceux-ci. Les plus avancés dans cette voie tireront les marrons du feu.
Car la menace est réelle : il est vraisemblable que les universités prendront une place grandissante dans la formation continue des salariés… Difficile pour les entreprises de résister aux nouveaux arguments d'institutions comme Harvard ou le MIT, demain Sciences-Po ou Dauphine ! A fortiori quand les décideurs sont passés par ces établissements. Un jeu onéreux : 60 millions de dollars d'investissement dans la plateforme américaine, dont une partie financée par la fondation Melinda et Bill Gates (un ancien d'Harvard, qui n'a jamais obtenu son diplôme…).
Michel Diaz
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